L’optimisme qui prévalait encore en ce début d’année dans le domaine de l’économie s’est progressivement éteint face à une situation nouvelle, inédite par l‘ampleur des incertitudes qui paraissent peser sur les échanges mondiaux : contexte géopolitique dégradé, choc gazier comparable au choc pétrolier des années 70, pire flambée inflationniste depuis 40 ans, impacts négatifs sur les pouvoirs d’achat, alerte au risque d’une récession planétaire, accélération du réchauffement climatique… Les nuages s’amoncellent.
Pourtant la lecture des indicateurs donne encore une vision favorable de la conjoncture. L’économie française semble résister et affiche une forme de résilience. Elle a dépassé son niveau d’avant-crise sanitaire, son objectif de croissance à 2,6 % pour 2022 semble tenable (après 6,8 % l’année dernière), l’inflation y est plus contenue qu’ailleurs en Europe, notamment du fait du bouclier fiscal, le climat des affaires demeure bien orienté, le marché du travail continue d’afficher un dynamisme surprenant, le chômage est à son plus bas niveau depuis 50 ans, le tourisme a connu une très belle saison, bénéficiant de surcroît de la faiblesse de l’Euro… Toutefois la consommation, principal moteur de l’activité, a fléchi tandis que s’intensifient les tensions sur la production sous l’effet conjugué des difficultés à s’approvisionner et à recruter. De fait, un net ralentissement est attendu.
Le paysage économique local s’inscrit pleinement dans ce contexte et au final se singularise très peu. Les indicateurs sont en grande majorité au vert et traduisent une belle dynamique, à l’image du portrait dressé en 2021.
Le Loir-et-Cher a désormais dépassé son niveau d’emploi d’avant la crise sanitaire, celle-ci ayant fortement pesé sur le secteur privé marchand. Les activités relevant de l’URSSAF avaient été contraintes de supprimer 2 700 postes durant les premiers mois de la pandémie ; elles en ont créés plus de 4 200 depuis (situation à fin mars), soit un rythme de progression assez soutenu : + 1,9 % depuis fin 2019, le plus important du Centre-Val de Loire après celui de l’Eure-et-Loir. Au sein du département, la zone d’emploi de Blois apparaît particulièrement dynamique (+ 3,1 %) enregistrant pour la deuxième année consécutive l’un des deux meilleurs résultats de la région. Les zones d’emploi de Romorantin-Lanthenay et de Vendôme enregistrent une croissance plus modeste, de 0,7 %, particulièrement ferme au début de cette année pour Vendôme (rythme le plus élevé de la région au premier trimestre).
Cette dynamique d’emploi est partagée par la plupart des secteurs. Seule l’industrie n’est pas parvenue à retrouver son niveau d’avant crise : elle affiche un recul de 5 % correspondant à la disparition d’un millier d’emplois. La croissance est donc portée par l’ensemble des autres secteurs, de façon plus ou moins marquée : la construction et l’intérim montrent une belle vitalité, plus soutenue qu’au plan national ; les services ont également massivement embauché.
Le chômage poursuit son reflux, pour tous les profils de demandeurs d’emploi. Le taux départemental, le plus bas de la région, se situe désormais à 5,9 % ; il est même descendu à 5,4 % dans la zone d’emploi de Vendôme. C’est dire que les viviers de main d’œuvre disponible s’amenuisent. Le nombre cumulé des demandeurs des catégories A, B et C (23 200 personnes, sans emploi, disponibles, ayant travaillé ou non dans le mois) a diminué de plus de 10 % en une année.
Globalement, l’activité locale a été plutôt vigoureuse comme en témoignent des volumes de chiffres d’affaires et d’investissements, y compris immobiliers, se situant à des niveaux très élevés, records, bien supérieurs à ceux observés avant la crise pandémique. La saison touristique estivale a été très bonne, marquée par le retour de la clientèle étrangère. La situation financière des entreprises continue de s’assainir après les bouleversements de ces deux dernières années ; les retards de règlement des cotisations sociales sont désormais moins fréquents. Les créations de sociétés sont nombreuses, boostées par les autoentreprises, tandis que les défaillances, anormalement réduites depuis 2020, augmentent sensiblement depuis plusieurs mois mais sont encore 30 % en dessous des niveaux atteints en 2019. La crainte d’une multiplication des faillites en période post-Covid semble donc s’éloigner… La construction de logements a aussi retrouvé des couleurs, avec un bond impressionnant des mises en chantier (+ 85 % en un an, à fin juillet) et des autorisations (+ 11 %) qui atteignent des niveaux records, tout comme les transactions concernant l’immobilier ancien (+ 40 % en 2021).
Les enquêtes locales de conjoncture semblent confirmer la bonne tenue de l’activité pour une grande majorité d’entreprises, y compris, selon leurs prévisions, pour les mois à venir. Toutefois, un tiers des dirigeants pointent une situation plutôt délicate de leur établissement du fait d’une contraction de l’activité dont ils craignent les répercussions sur leur santé financière, voire pour quelques-unes sur leur pérennité. Globalement, les rangs des dirigeants optimistes continuent de l’emporter nettement sur ceux des pessimistes, signe que les perspectives à court terme restent bonnes. Mais l’écart de confiance s’amenuise, les inquiétudes surgissant de la hausse des coûts de l’énergie, des difficultés grandissantes à s’approvisionner et à embaucher.
De fait, les problèmes de recrutement continueront de demeurer au centre des préoccupations locales, sauf à imaginer un retournement brutal de la conjoncture. Les besoins locaux restent considérables (et pas seulement ceux des entreprises) : nombreux projets de développement, grosses implantations annoncées, nécessité de remplacer les 2 600 à 2 800 personnes partant à la retraite chaque année... Une équation difficile à résoudre avec un taux de chômage désormais réduit, une population active en recul (- 4 800 en 5 ans) et une concurrence exacerbée entre les territoires pour accéder aux compétences. La question de l’attractivité du département, vue sous cet angle, apparait centrale ; elle est d’autant plus cruciale que celui-ci a perdu 8 000 habitants depuis 2014, soit l’équivalent de la population de Vineuil, sa quatrième commune.
Avec la crise sanitaire, le nombre de foyers allocataires du RSA avait bondi de plus de 6,4 % en 9 mois pour atteindre 7 650 allocataires en fin d’année avant de connaitre un net recul au cours du premier semestre 2021. Depuis on enregistre une relative stabilité avec près de 7 200 foyers bénéficiaires fin avril 2022, un chiffre proche de celui de 2019. Les sorties du dispositif (347 en moyenne chaque mois) ont été plus nombreuses qu’en 2020, sans toutefois retrouver leur niveau d’avant crise sanitaire (358). Parallèlement, le volume d’entrées s’est nettement réduit en 2021 (300 nouvelles inscriptions en moyenne mensuelle contre plus de 360 les 2 années précédentes), chiffre qui s’inscrit sensiblement à la hausse début 2022 (près de 340 par mois entre janvier et mai).
Les indicateurs disponibles ne permettent pas de mesurer l’évolution de la pauvreté dans son ensemble depuis la crise mais on peut souligner que le nombre de ménages allocataires CAF à bas revenu a fortement augmenté (+ 10,3 % en 2 ans ; 18 250 allocataires concernés fin 2021) alors que le nombre total de ménages tend à se réduire.
De toute évidence, la fin d’année et 2023 devraient être bien différents du premier semestre si on se fie aux projections des experts. L’activité devrait connaître un sérieux coup de frein. Avec à la clé beaucoup d’incertitudes, sur les répercussions sociales, notamment en termes de pouvoir d’achat, sur la résistance des entreprises, sur la capacité de résilience de notre économie, pour n’en citer que quelques-unes.